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Une gifle salvatrice

Dans le film «Walter défend Sarajevo», une scène décrit un stratagème astucieux: le résistant Walter, qui s’est procuré un uniforme d’officier allemand, entre, vêtu de cet uniforme, avec un assistant armé dans un avant-poste d’aiguillage de la voie ferrée près de Sarajevo. Deux policiers y retiennent l’aiguilleur. Ce dernier est un informateur communiste et Walter est venu pour le libérer. Walter affirme que l’aiguilleur est un suspect qu’il recherche depuis longtemps, le gifle et informe les deux policiers qu’il va l’emmener avec lui. Les deux policiers sont sceptiques, sur quoi Walter et son aide attendent le passage d’une locomotive et profitent du bruit assourdissant pour tuer les policiers avec leur mitraillette.

Le cinéma s’est souvent inspiré d’histoires vraies. Aleksandar Mezić s’est vu infliger une telle gifle. Lui et sa femme Dobrila Šiljak s’étaient enrôlés comme médecins dans les Brigades internationales pendant la guerre d’Espagne. Après la défaite des républicains espagnols, ils sont arrivés en France où ils réussissent à échapper à l’internement dans des camps français et s’installent à Marseille. Ils y sont bientôt rejoints par Dimitrije Koturović, un ancien « Espagnol » et un métallurgiste de Rakovica (Serbie), qui a été libéré du service de travail obligatoire avec l’aide du consulat yougoslave. Il devient rapidement connu sous le nom de « Commandant Cot », le chef technique du commandement interrégional » du mouvement de résistance communiste FTP-MOI. À partir de la fin de l’année 1942, Koturović organise avec succès plusieurs attentats contre des installations allemandes. Après une série d’arrestations, il contribue également à la reconstitution de groupes de résistance armés dans le Var et les Alpes-Maritimes, notamment avec l’aide de communistes arméniens et bulgares.

Aleksandar Mezić se souvient qu’un jour, alors qu’il revenait d’un examen médical, il a été pris dans une rafle de police dans une rue de Marseille. Lui et d’autres personnes arrêtées sont placés devant un mur. “Soudain”, écrit-il, “j’ai cru voir Cot à dix mètres de moi”. Il crut avoir des hallucinations à la suite de ses insomnies, mais Koturović était bel et bien là, “avec son chapeau à la manière des agents, une arme et des menottes qui dépassaient de sous son manteau”. Cot se fit passer pour un agent de police allemand et s’engagea dans la mêlée. Il s’approcha de Mezić et cria quelques mots en allemand : « Cochon, communiste, bandit… maintenant je te tiens… en avant ! « Il lui donna une gifle et l’emmena. Les policiers français qui avaient fait la rafle ne se doutaient de rien, ont ri de la scène et ont vaqué à leurs occupations. Mezić était libre.

Koturović est mort à Marseille en avril 1944 en désamorçant une bombe dans son atelier. En son honneur, une plaque commémorative a été apposée à cet endroit, par les “Amis des FTPF”. “Il est mort pour que la France puisse vivre”, peut-on lire sur l’inscription.

 

Vladan Vukliš

Sources
  • Aleksandar Mezić, “Marselj,” in: Španija 1936–1939, ed. Čedo Kapor (Beograd: Vojnoizdavački zavod, 1971), IV, 482–511.
  • Grégoire Georges–Picot, L’innocence et la ruse: des étrangers dans la Résistance en Provence (Paris: Tirésias, 2000).
  • David Coquille, “Dimitri Koturovic, héros serbe des FTP–MOI tombé dans l’oubli,” in: La Marseillaise, 18 Septembre 2016.
Pour en savoir plus
  • Otmar Kreačić, “Dimitrije Koturović Kot,” in: Španija 1936–1939, ed. Čedo Kapor (Beograd: Vojnoizdavački zavod, 1971), V, 116–119.
  • “Dokumenti i vreme: Komandant Kot (Dimitrije Koturović),” documentary film by Milutin Stanišić (Beograd: RTV Beograd, 1968).
  • Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la résistance (Paris: Librairie Arthème Fayard, 1989).
  • Denis Peschanski, Des étrangers dans la Résistance (Paris: Atelier, 2002).

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