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Une “Union Européenne” résistante

“En Allemagne et dans les pays occupés par Hitler, de nombreux groupes antifascistes ne sont toujours pas reliés entre eux. De nombreuses personnes politiques de valeur et compétentes restent isolées. Tous s’efforcent de parvenir à un accord. Aujourd’hui, cet accord ne peut voir le jour qu’en mettant de côté tout préjugé idéologique, dogmatique et religieux. L’objectif commun est de renverser le fascisme en Europe.”
Ce texte est distribué clandestinement en 1943 à Berlin par un groupe de résistants baptisé “Union européenne”. Il est créé en 1939 par un groupe d’intellectuels qui se connaissaient depuis le début des années 1930, dont faisaient partie notamment le chimiste Robert Havemann et le médecin Georg Groscurth. Le groupe distribue des tracts contre le pouvoir nazi, aide des Juifs à se cacher en leur fournissant de faux papiers d’identité, un logement et de la nourriture, et établit des contacts avec d’autres groupes de résistants et avec des prisonniers étrangers, originaires notamment d’Ukraine, de Tchécoslovaquie et de France, condamnés aux travaux forcés en Allemagne, dont plusieurs ont ensuite rejoint le groupe. Les objectifs du groupe ”Union européenne” sont de “renverser le fascisme en Europe”, de “rétablir les libertés individuelles fondamentales” et “d’instaurer un ordre socialiste dans une Europe unie”. Dans l’un de leurs tracts, ils définissent ainsi le “socialisme européen”: “Socialisme ne signifie pas pas de renverser la bourgeoisie, de supprimer la propriété privée et de mettre en place une dictature sanglante dirigée par des marxistes dogmatiques, [but rather the] [mais plutôt] de supprimer les intérêts privés dans la politique et l’économie” et de “libérer l’individu du paternalisme économique”. D’autres groupes de résistance considéraient également qu’une conséquence indispensable de cette terrible guerre devait être la création d’une Europe commune
En septembre 1943, la plupart de la cinquantaine de membres du groupe est arrêtée par la Gestapo, 13 d’entre eux sont exécutés. Après la guerre, le régime communiste de la RDA met en avant l’héritage de ce groupe de résistance, et Robert Havemann, l’un des survivants du groupe, devient député au parlement d’Allemagne de l’Est. Mais il commence bientôt à critiquer le régime en place et devient l’un des principaux dissidents de la RDA. Démis de ses fonctions d’enseignant à l’Université de Humboldt de Berlin en 1963, il est poursuivi par la Stasi et assigné à résidence chez lui en 1976, où il passe les dernières années de sa vie, jusqu’à sa mort en 1982. Havemann étant devenu un dissident, la RDA cessa de promouvoir la mémoire du groupe “Union européenne”.
En 2006, le mémorial israélien de la Shoah, Yad Vashem, décerne à Robert Havemann et à quatre autres membres de l’Union européenne, Anneliese et Georg Groscurth, Paul Rentsch et Herbert Richter, le titre de Justes parmi les nations.

 

Nicolas Moll

Sources/ Pour en savoir plus

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