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Récompenser le courage: “Héros du Peuple” et „Compagnon de la Libération”

Le 22 mai 1942, les occupants italiens en Croatie fusillent 25 antifascistes dans la ville de Šibenik. Parmi eux se trouve Rade Končar, un révolutionnaire d’avant-guerre, secrétaire politique du Parti communiste de Yougoslavie, l’un des organisateurs du soulèvement de l’été 1941 en Croatie. Lorsqu’il avait été arrêté, les Italiens ne savaient pas qui il était vraiment. Soumis à la torture, il ne révéle ni son identité, ni ses camarades. Avant son exécution, on lui demande s’il veut demander la grâce et il répond : “Je ne demande ni la grâce, ni ne vous la donnerais.”

En août 1942, Rade Končar est déclaré “héros du peuple” (narodni heroj) yougoslave. Qui étaient les “héros du peuple” ? Il s’agissait de combattants du mouvement des Partisans récompensés pour leur bravoure exceptionnelle. Le titre a été introduit par le commandement des Partisans à la fin de l’année 1941, sur le modèle d’un titre de héros similaire utilisé en Union soviétique. Que des mouvements de résistance créent leurs propres médailles et récompenses n’est pas spécifique à la Yougoslavie. Un autre exemple est l' »Ordre de la Libération » créé par Charles de Gaulle en 1940 pour honorer des personnes pour leurs actions extraordinaires en faveur de la libération de la France, qui ont alors reçu le titre de « Compagnon de la Libération ». Avec ce type de récompenses, généralement distribuées par les Etats, les mouvements de résistance ont également voulu s’entourer de la légitimité d’un Etat.

Combien de fois ces distinctions ont-elles été décernées ? La médaille du Héros du Peuple de Yougoslavie a été décernée à 1,322 personnes (dont 19 étrangers), 32 unités et institutions de l’Armée Populaire de Libération, et six villes (dont Zagreb). La Croix de la Libération française a été décernée à 1,038 personnes (dont 54 étrangers), 18 unités de l’armée, et 5 municipalités. En France, la plupart des récompenses ont été distribuées pendant la guerre et la dernière en 1946, tandis qu’en Yougoslavie, la plupart ont été distribuées dans les années 1950. Une autre différence est qu’en Yougoslavie, plus de 70% des récompenses ont été attribuées à titre posthume, pour des personnes tuées pendant la guerre, alors qu’en France ce pourcentage est seulement de 25%. Ce que les deux ordres ont en commun, c’est que la grande majorité des personnes récompensées étaient des hommes : En Yougoslavie, seules 91 femmes ont reçu cette distinction, et en France, seulement six. Cela ne reflète pas le rôle réel des femmes dans les deux mouvements de résistance, mais en dit long sur les structures de pouvoir dominées par les hommes et qui décidaient de l’attribution des récompenses. Dans le cas de la France, on peut aussi avancer que les actes de bravoure étaient généralement associés à des actions militaires et que les femmes de la résistance française portaient très rarement les armes – à la différence des partisans yougoslaves.

 

Nataša Mataušić & Nicolas Moll

Sources / Pour en savoir

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