Nazad
Acteurs religieux Résistance non-violente

“Je sème la paix, console les affligés, encourage les épuisés”

La proclamation de l’État Indépendant de Croatie, le 10 avril 1941, entraîne la marginalisation de certaines communautés ethniques et nationales, notamment les Serbes et les Juifs, ainsi que celle de groupes politiques jugés indésirables, principalement les communistes. Dans les premiers mois qui suivent la proclamation du nouvel Etat sont recensés les premiers crimes des autorités oustachi, en particulier début de l’été 1941. Ljubomir Kvaternik est nommé chef du grand comté de Krbava et Psat, dont le siège est à Bihać, dans la seconde moitié du mois de juin 1941. Son arrivée marque le début d’une vague de violence contre les Serbes et les Juifs de la région.

Les nouvelles conditions forcent la population locale à se positionner. Parmi elle se trouvent des franciscains comme Frère Bosiljko Ljevar, Frère Viktor Šakić et Frère Marijan Jakovljević. Initialement, ils avaient accueilli la proclamation du nouvel État en avril avec joie, mais en particulier après l’arrivée de Ljubomir Kvaternik dans la ville, ils commencent à voir les choses différemment.

Le 24 juin 1941, Ljubomir Kvaternik donne l’ordre aux familles juives et serbes de Bihać et de ses environs de se préparer à partir dans l’heure qui suit. Quelques jours avant cet ordre d’expulsion, le prêtre catholique Frère Viktor Šakić avait imprimé des certificats attestant de la conversion des Serbes au catholicisme, censés les protéger et leur assurer l’égalité des droits. Cependant, les autorités oustachi ignorent les certificats imprimés par Šakić et ce jour-là, tous les Serbes et les Juifs de la ville sont bel et bien expulsés de la ville. Le frère Bosiljko Ljevar, qui assiste à cet événement ce jour-là, se souviendra après la guerre d’un moment particulièrement touchant, lorsqu’il avait aidé le professeur juif Geon, qui lui avait demandé un morceau de pain pour son fils.

Dans les mois suivants, les franciscains, notamment Frère Marijan Jakovljević, continuent d’imprimer des certificats de conversion au catholicisme pour sauver le plus grand nombre possible de chrétiens orthodoxes, mais cela ne sert pas à grand-chose. Alors, en août 1941, lorsque les assassinats des Serbes atteignent leur apogée, Frère Bosiljko Ljevar et Frère Viktor Šakić se rendent dans le bureau de Kvaternik et demandent avec insistance l’arrêt de la violence. Kvaternik les jette à la porte. Frère Viktor Šakić décide donc, au mois de septembre 1941, de se rendre directement auprès d’Ante Pavelić, le dirigeant de l’État Indépendant de Croatie, et de plaider pour la destitution de Kvaternik. Peu après cette visite à Zagreb, Ljubomir Kvaternik est, en effet, démis de ses fonctions. Cette mesure permettra de réduire l’intensité de la violence dans la ville et ses environs.

Dans les années 1970, Frère Bosiljko Ljevar s’est vu décerner la plaque de la ville de Bihać pour ses actions pendant la Seconde Guerre mondiale, pour avoir ouvertement dénoncé les souffrances et les persécutions des Serbes, ainsi que pour la protection qu’il leur a apportée.

 

Dino Dupanović

Sources / Pour en savoir plus
  • Bihać u novijoj istoriji, vol I and II, Institut za istoriju u Banja Luci, Banja Luka, 1987.
  • Archives du monastère de Petrićevac : textes autobiographiques du Frère Bosiljko Ljevar.
    Krajina Jakovljević-Cazin (1941-1943).
  • Fra Jurica Šalić, Franjevci sjeverozapadne Bosne, HNK Napredak Bihać, Bihać, 2002.

This website stores cookies on your computer. Cookie Policy