Nazad
Culture et arts Résistance non-violente

Le pouvoir du silence, le pouvoir des mots

Durant l’été 1941, Jean Bruller, illustrateur et jeune appelé dans un bataillon de chasseurs alpins, écrit Le silence de la mer qui deviendra un texte phare de la résistance française. Pour garder l’anonymat, il s’inspire de la beauté des montagnes environnantes pour son pseudonyme de résistant, Vercors, qu’il choisira comme nom de plume. Avec son ami écrivain Pierre de Lescure, Vercors créera clandestinement Les éditions de minuit en 1942, d’abord pour diffuser cette nouvelle et ensuite d’autres ouvrages de lutte politique. Le Manifeste qui accompagne cette première publication est un éloge à la liberté de penser et surtout une réponse à la censure littéraire imposée par la propagande nazie.
En s’inspirant de son vécu, Vercors met en scène le silence comme acte de résistance civile. Au début de l’occupation, certaines habitations sont réquisitionnées par l’armée allemande. Un homme et sa nièce se voient dans l’obligation d’héberger un officier allemand. D’abord hostiles à son arrivée, ils décident d’un accord tacite d’ignorer sa présence en gardant inchangées leurs habitudes et en ne répondant à aucune sollicitation. L’officier prend alors l’habitude de venir se réchauffer le soir dans la pièce principale avec ses hôtes. A chaque visite, il s’exprime sur ses passions pour la musique, la littérature et contre toute attente, la France. Il se retrouve systématiquement confronté au silence des hôtes, qui refusent toute interaction avec l’ennemi occupant.
Méprisant et utilisé comme une arme de résistance pour rester digne, le silence signale également l’immobilité de la nièce et de son oncle et symbolise celle de toute la France. Le comportement des protagonistes n’est pas sans rappeler les Conseils à l’occupé rédigés par Jean Texcier en 1940 dans une brochure clandestine, le Petit manuel de dignité : “Tu ne sais pas leur langue ou tu l’as oubliée. Si un d’eux t’adresse la parole en allemand, fais un signe d’impuissance et, sans remords, poursuis ton chemin.”
Alors que ses hôtes commencent à l’apprécier, l’officier renonce à ses convictions et s’efface douloureusement de leur vie en s’enrôlant au front de l’est vers une mort certaine. C’est précisément quand l’officier cesse de croire à l’amitié des deux peuples, que la jeune fille esquisse un geste de sympathie en lui adressant un dernier adieu.
A la libération, cette œuvre sera traduite dans de nombreuses langues et fera l’objet d’adaptations au cinéma et au théâtre. Cette nouvelle patriotique reste aujourd’hui une référence du triomphe de résistance passive et intellectuelle.

 

Auriane Jousse

Sources / Pour en savoir plus
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Le Silence de la mer, film de Jean-Pierre Melville, adapté de la nouvelle de Vercors, 1947, bande annonce:

Le Silence de la mer, téléfilm franco-belge réalisé par Pierre Boutron, 2004, bande annonce

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