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Colonel Fabien

Les communistes ont joué un rôle paradoxal dans la Résistance française. À la fin de la guerre, ils constituaient le plus grand nombre de combattants armés et étaient très influents dans le mouvement. Cependant, ils sont entrés en résistance plus tardivement que d’autres acteurs comme le général de Gaulle. Liés par les instructions de Moscou et le traité de non-agression entre Staline et Hitler, la plupart des membres du parti ont évité toute action contre l’occupation, jusqu’à ce que l’Allemagne attaque l’Union soviétique. Ce n’est qu’après le 22 juin 1941 que le Parti communiste français (PCF) s’est pleinement engagé dans la résistance, alors que de Gaulle avait déjà mis en place une solide organisation clandestine.
Leur entrée en résistance se traduit par un acte violent : Le 21 août 1941, Pierre Georges, plus tard connu sous son nom de guerre Colonel Fabien, assassine un officier allemand à la station de métro parisienne Barbès-Rochechouart. C’est la première fois qu’un membre des troupes d’occupation est abattu ouvertement par un citoyen français. Cette fusillade marque un tournant dans les relations relativement pacifiques entre les troupes d’occupation et les citoyens français. Le commandement militaire allemand déclare tous les prisonniers politiques français « otages » et exécute près de 100 d’entre eux en représailles à l’assassinat de l’officier. Le parti communiste voit dans cet affrontement le début d’un soulèvement populaire armé, à la différence de la résistance gaulliste, essentiellement verbale (discours radiodiffusés) et axée sur la constitution d’une force militaire à l’extérieur de la métropole.

Le coup de feu du 21 août 1941 s’inscrit dans la biographie de Pierre Georges, précoce dans ses engagements politiques. Né en janvier 1919 dans un quartier ouvrier parisien, il grandit dans une famille communiste, rejoint les organisations de jeunesse communistes puis les Brigades internationales pendant la guerre civile espagnole, pour laquelle il a menti sur son âge. Il rentre en France en 1938, devient cadre du parti et se fait arrêter en 1939, en raison de ses activités clandestines pour le PCF, désormais interdit. Tandis que la majorité du parti reste neutre après l’armistice de juin 1940, Georges organise l’opposition à Vichy et à l’occupation. Après son coup de feu, il poursuit les assassinats, les sabotages et la constitution de groupes armés, incarnant l’idéal du combattant partisan.
Avec la libération de Paris en août 1944, la concurrence gaulliste-communiste s’intensifie et le colonel Fabien s’inscrit dans ce conflit. De Gaulle insiste sur sa direction exclusive de la lutte armée contre les Allemands, la confiant à son armée professionnelle constituée en exil, tandis que les communistes, dont Fabien, s’efforcent d’apporter leur propre contribution à la libération. Fabien fonde une brigade composée essentiellement d’ouvriers parisiens, de femmes, d’étrangers, de juifs, qui participent à l’effort de repousser les Allemands au-delà du Rhin. Le 25 décembre 1944, le colonel Fabien est tué par l’explosion d’une mine près de son quartier général. Ses obsèques ressemblent à des funérailles nationales : Son cercueil est déposé devant l’Hôtel de Ville de Paris, en présence d’une foule importante. Après la guerre, le PCF déploie un culte du héros autour de Fabien, pour asseoir sa légitimité en tant que seule force politique représentant l’héritage de la Résistance. Le siège du parti, un célèbre bâtiment de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer, est situé « Place du Colonel Fabien ».

 

Matthias Waechter

Sources / pour en savoir plus
  • Jean Maitron/Claude Pennetier, « Pierre Georges, dit Fredo, dit Colonel Fabien », in : Le Maitron. Dictionnaire biographique, mouvement ouvrier, mouvement social. https://maitron.fr/spip.php?article50415

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