Après 1933, bon nombre de personnes persécutées en Europe en raison de leur activités politiques ou de leur “appartenance raciale” vinrent se réfugier en France. Mais la politique vis-à-vis des étrangers devint de plus en plus répressive au fil des années en France, et dès 1939, certains des réfugiés, y compris des femmes, furent considérés comme “indésirables” et internés dans des camps . Le premier camp d’internement pour les “étrangers dangereux” fut mis en place en janvier 1939. À l’automne 1939, ce camp situé à Rieucros dans le département de la Lozère, au sud du Massif Central, devint un camp réservé aux femmes.
Y furent internées des femmes de toutes nationalités, y compris de nombreuses communistes allemandes et autrichiennes, des combattantes espagnoles et, à partir de décembre 1939, des Françaises. Les femmes étaient considérées comme “particulièrement dangereuses” en raison de leurs activités politiques. Mais officiellement, leur internement était souvent justifié par un comportement déviant et une permissivité sexuelle. L’expérience partagée de ces femmes les ont inspirées à entreprendre de nombreuses actions leur permettant d’articuler leurs convictions politiques et de mobiliser leur esprit de résistance. Elles organisèrent par exemple une vie culturelle diversifiée au sein du camp. Dans un premier temps, une partie des autorités locales responsables du camp se montraient bienveillantes à l’égard de ces activités. Parfois, même les gardes et des visiteurs extérieurs y participèrent.
Les femmes internées à Rieucors y célébrèrent notamment la Journée internationale de la femme le 8 mars 1940, au cours de laquelle elles manifestèrent leur attachement à la lutte pour l’égalité des droits et le droit de vote des femmes. A cette occasion, divers travaux manuels et œuvres d’art produits dans le camp furent exposés. Selon un journal intime écrit dans le camp : “Un matériel d’exposition d’une grande beauté a été rassemblé, comprenant non seulement de beaux objets artisanaux, mais aussi de très jolies photos, silhouettes, peintures et sculptures. Tous les visiteurs étaient enchantés et l’exposition a été un réel succès. Le dimanche après-midi a eu lieu une représentation théâtrale avec une grande participation de toutes les nationalités.” Des poèmes que les femmes avaient écrits et dans lesquels elles exprimaient leur vision politique furent récités. Un des poèmes écrit par l’actrice Steffie Spira évoquait l’esprit de combat des ”femmes de Rieucros”. Le style quelque peu pathétique s’expliquait par le contexte : “ Nous, femmes de tous pays, nous voulons changer le monde.”
Nombre de ces femmes purent par la suite s’échapper du camp et rejoindre la résistance en France, parmi elles la communiste allemande Dora Davidsohn. Certaines furent arrêtées et déportées vers le camp de concentration pour femmes de Ravensbrück en Allemagne. Là également, les femmes développèrent de nombreuses activités à travers lesquelles elles exprimèrent leur esprit de résistance. Un exemple particulièrement connu est l’opérette “Le Verfügbar aux enfers”, une oeuvre collective qui constitue un document artistique unique et un témoignage historique exceptionnel.
Mechthild Gilzmer