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LA MÉMOIRE, UN MOYEN DE RÉSISTANCE

“Tout le monde à Pag était au courant du massacre massif et brutal des détenus du camp de Slana, notamment du premier massacre perpétré les 14 et 15 août 1941, juste avant la liquidation du camp. Nous avions déjà une cellule du parti [communist] parti [communiste] à Pag à cette époque. Lors d’une réunion (…), nous avions convenu d’honorer d’une manière ou d’une autre les victimes de Slana et, en même temps, de semer le trouble parmi les Oustachis et les Italiens. Au début, c’était une simple idée, puis nous nous sommes mis d’accord sur une couronne d’aubépine épineuse avec l’inscription ‘Aux victimes de Slana’. Nous avons choisi une grande croix blanche au cimetière de la ville de Pag comme l’endroit le plus approprié pour placer cette couronne.”

Ante Zemljar (1922–2004), l’auteur de ces lignes, fut un des organisateurs et participants de la première manifestation publique et commémorative des victimes du camp des Oustachis dans la baie de Slana, sur l’île de Pag située sur la côte croate.

Le camp de Slana sur l’île de Pag faisait partie du premier système de camps des Oustachis destinés au meurtre de masse des détenus. Il était composé du pénitencier de Gospić avec les terrains d’exécution de Jadovno et d’Ovčara sur Velebit, et des camps dans la baie de Slana (pour les hommes) et du village de Metajna (pour les femmes avec des enfants). Les lieux avaient été choisis en raison de leur isolement, leur inaccessibilité et de la dépravation de la nature. Le camp de Slana fut fondé à la mi-avril 1941 et le nombre de prisonniers tués varie selon les estimations entre 15 et 40 mille personnes ou plus. Le camp fut fermé après la réoccupation italienne de cette zone en août 1941. Les prisonniers en vie furent transférés au camp des Oustachis de Jasenovac (pour les hommes), et au camp de Kruščica près de Travnik en Bosnie-Herzégovine (pour les femmes et les enfants). Beaucoup d’entre eux n’ont pas survécu.

Dans la Yougoslavie socialiste, les victimes du camp furent honorées par une plaque commémorative en 1975, et la région et les fosses communes furent protégées comme héritage culturel en 1982. À partir de 2023, le site obtint à nouveau le statut de patrimoine culturel de la République de Croatie, mais l’État et les autorités locales ne font rien pour protéger et marquer le site du camp. Depuis les années 1990, la plaque a été détruite à plusieurs reprises. Elle a été remplacée par deux fois par le Conseil National Serbe [de Croatie], la coordination des municipalités juives de la République de Croatie et l’ONG Documenta. La plaque a été détruite une nouvelle fois en 2013, et depuis le site du campagne contient plus de marquage commémoratif. Un parcours sportif parrainé par le gouvernement local traverse l’emplacement du camp, ce qui dégrade physiquement les vestiges et dévalorise symboliquement le lieu du souvenir. Les commémorations des associations des minorités serbes et juives constituent la seule forme de résistance contre l’oubli de ce lieu et des victimes de la terreur fasciste. Par ailleurs, le projet de recherche et d’art “Slana – Paysage radical” (Slana – radikalni krajolik) (2017–2021) et le projet de recherche interdisciplinaire “Sur les traces de l’oubli” (Tragovima zaborava) (2022–2023) sont des efforts récents de la communauté culturelle pour contribuer à la lutte contre l’oubli.

Sanja Horvatinčić & Nataša Mataušić

Sources / Pour en savoir plus
Videos
"Artefakt Slana (arheološki kamp u uvali Slana)", documentary film, VidaTV, 2022.
Davor Konjikušić, Nika Petković i Goran Andlar / SLANA – RADICAL LANDSCAPE, HDLU Split, 2022.

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