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Camps Résistance transationale Visions d’après-guerre

Le rôle des résistants dans les débuts du rapprochement franco-allemand

Au sortir de la guerre, alors que les sociétés françaises et allemandes étaient encore imprégnées par la haine de « l’ennemi héréditaire », les pionniers du rapprochement bilatéral ont été des chrétiens et des résistants. Les premiers étaient motivés par le pardon et la réconciliation et les seconds avaient la plus forte légitimité pour tendre la main aux Allemands.

Leur disposition était liée à l’expérience vécue par certains d’entre eux dans les camps de concentration. Prenons trois des principales figures. Le père jésuite Jean du Rivau avait été interné à Mauthausen et Dachau ; le jeune Joseph Rovan, d’origine juive allemande et membre de la résistance française, avait été déporté à Dachau ; Lucien Tharradin, avait été prisonnier de guerre en Allemagne, évadé, résistant puis interné à Buchenwald. Dans ces camps, ils avaient rencontré des résistants et démocrates allemands eux aussi victimes du régime nazi. C’est avec eux qu’ils voulaient bâtir une nouvelle Allemagne, comme Rovan l’expose dans ses Mémoires.

D’autres résistants, non déportés, étaient aussi convaincus que, pour assurer la paix en Europe, il fallait offrir des perspectives d’avenir à la jeunesse allemande. Les services éducatifs du gouvernement militaire français en Allemagne, chargés de la « dénazification » par la culture et de la « rééducation » des Allemands, étaient dirigés par deux résistants gaullistes, ayant des origines familiales allemandes : Raymond Schmittlein et Irène Giron. Ils ont pu compter sur Jean du Rivau et Joseph Rovan pour organiser les premières rencontres franco-allemandes puis internationales de jeunesse en Allemagne dès 1946. D’autres, comme Tharradin, devenu maire de Montbéliard, ont travaillé au rapprochement depuis la France. Celui-ci a été l’initiateur, en 1950, du premier jumelage franco-allemand, avec Ludwigsburg. Les jumelages, qui ont connu un essor considérable dans les années 1960 et 1970, ont été au niveau local un puissant facteur du rapprochement entre la France et la RFA.

D’autres milieux de la résistance, souvent communistes, socialistes aussi, ont été sensibles au discours de la RDA se présentant comme « la meilleure Allemagne », « antifasciste », et ont cherché le rapprochement avec Berlin-Est. Les communistes allemands engagés dans la résistance française, comme Gerhard Leo, Dora Schaul ou Edith Zorn, ont eux aussi cherché à construire ces ponts. Cependant, comme en attestent les rencontres de jeunes et les jumelages, le rapprochement entre la France et l’Allemagne de l’Ouest a été plus précoce et dense que celui avec la RDA.

 

Corine Defrance

Sources / Pour en savoir plus
  • Joseph Rovan, Mémoires d’un Français qui se souvient d’avoir été Allemand, Paris, Seuil, 1999) [Erinnerungen eines Franzosen, der einmal ein Deutscher war, Munich, Hanser, 2000].
  • Corine Defrance, Ulrich Pfeil, Histoire Franco-Allemande, vol. 10. Entre Guerre froide et Intégration européenne. Reconstruction et Rapprochement, 1945-1963 , Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion, 2012 [Deutsch-Französische Geschichte, Bd. 10 : Deutschland und Frankreich 1945–1963. Eine Nachkriegsgeschichte in Europa , Darmstadt, WBG, 2011].
  • Pour de courtes biographies des membres de la Résistance cités ici, voir :
    Pour de courtes biographies des membres de la Résistance cités, voir : Nicole Colin, Corine Defrance, Ulrich Pfeil, Joachim Umlauf (dir.), Dictionnaire des relations culturelles franco-allemande depuis 1945, Villeneuve d’Ascq, Presses du Septentrion, 2023 [Lexikon der deutsch-französischen Kulturbeziehungen nach 1945, Tübingen, Narr, 2015].

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