“Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place”: Les chants des partisans
est l’hymne de la Résistance française, toujours joué aujourd’ hui lors de cérémonies officielles. Son autrice, Anna Marly (1917-2006) est une artiste française d’origine russe qui s’est réfugiée à Londres après l’occupation allemande de la France en 1940. A la fin de l’année 1941, Marly écrit les paroles en russe (sa langue maternelle) et compose la musique d’une chanson mobilisatrice initialement intitulée Guerilla song ou Marche des partisans, en réponse à l’avancée de l’armée nazie dans son pays d’origine.
Lorsqu’Emmanuel d’Astier, l’un des chefs de la résistance française, l’entend interpréter cette chanson, il déclare immédiatement: “C’est la chanson qu’il nous faut pour la France.” Joseph Kessel, lui-même d’origine russe et fraîchement arrivé à Londres, entreprend d’écrire des paroles en français avec son neveu Maurice Druon, en essayant de donner l’impression que le chant vient du maquis. Germaine Sablon, alors compagne de Joseph Kessel, enregistre une première version au printemps 1943 ; la mélodie devient le thème musical d’une émission de la BBC sur la France libre, et les paroles sont également imprimées dans les journaux clandestins de la France occupée. Cependant, il faudra attendre la Libération pour que la chanson, devenue une véritable « Marseillaise de la Résistance », s’impose et devienne très populaire.
Anna Marly a composé une autre chanson pendant la guerre, La Complainte du Partisan, sur des paroles écrites par Emmanuel d’Astier. On confond parfois les deux chansons, les deux étant consacrées au combat des partisans contre l’occupant allemand, mais d’une manière différente. Le chant des partisans a le rythme d’une marche militaire, c’est un appel aux armes, avec la perspective de la victoire à venir, quelles que soient les pertes : “Ami, si tu tombes un ami sort de l’ombre à ta place.” La Complainte du Partisan quant à elle, si elle évoque également la victoire à venir, est une chanson plus introspective, une ballade mélancolique, un hommage aux souffrances et aux sacrifices des résistants qui ne se battent pas par héroïsme mais par devoir. Et quand “la liberté reviendra / On nous oubliera / Nous rentrerons dans l’ombre.” La complainte du partisan a aussi connu une carrière internationale, sous le titre “The Partisan”, en particulier dans la version chantée par Leonard Cohen à partir des années 1960. La version anglaise reprend largement le texte original français, avec une différence essentielle : dans la dernière strophe, les résistants ne sont pas oubliés, au contraire: “La liberté viendra bientôt / Alors nous sortirons de l’ombre.” (Freedom soon will come / Then we’ll come from the shadows)”
Yvan Gastaut & Nicolas Moll