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Bir Hakeim

De nombreux visiteurs à Paris ont déjà traversé le « Pont de Bir-Hakeim » ou emprunté la station de métro du même nom, non loin de la Tour Eiffel. Mais qu’en est-il de ce lieu que presque personne ne connaît en dehors de la France ?
Bir-Hakeim était un fort situé dans le désert libyen et le lieu d’une bataille sur le théâtre d’opérations nord-africain en 1942, où s’affrontaient depuis 1941 le “Afrika Korps” du général Rommel et ses alliés italiens, d’une part, et la Grande Bretagne, d’autre part. L’objectif de Rommel était d’atteindre l’Égypte et de s’emparer du canal de Suez, vital pour les intérêts de la Grande-Bretagne. Du côté des Britanniques se battait également une petite troupe de soldats de la « France libre », sous les ordres du gouvernement en exil que Charles de Gaulle avait créé peu après l’armistice de juin 1940. Les soldats de cette armée en exil voulaient montrer que la France n’était pas seulement composée de collaborateurs, mais qu’elle contribuait activement à la défaite de l’Allemagne.
Cette opportunité se présente à l’été 1942 à Bir-Hakeim. Les troupes de la « France libre » avaient pour mission de tenir le fort aussi longtemps que possible afin de donner aux Britanniques le temps de renforcer leurs propres lignes de défense. Les « Français libres » connaissent un succès inattendu en défendant le fort pendant plusieurs jours contre les attaques italiennes puis allemandes. D’un seul coup, la « France libre », qui avait jusqu’alors mené une existence marginale dans l’effort de guerre, se retrouve à la une des journaux. Lorsque le fort doit finalement être évacué face à l’écrasante supériorité allemande, les soldats de la France libre se comportent à nouveau de manière exceptionnelle : une grande partie d’entre eux peut atteindre les lignes britanniques sans être blessés.
Pour la « France libre », la bataille de Bir-Hakeim est une occasion rêvée pour valoriser son propre rôle dans la guerre contre Hitler. Le propagandiste en chef de De Gaulle, Maurice Schumann, transforme cette petite bataille, qui n’était en aucun cas décisive pour la guerre, en un « nouveau Verdun », jetant ainsi un pont vers la bataille de la Première Guerre mondiale, aussi coûteuse en pertes qu’elle était porteuse d’identité pour la France. Schumann n’hésita pas non plus à qualifier la défense de Bir-Hakeim de victoire, même si les Français libres avaient finalement dû abandonner le fort à leurs adversaires allemands.
La bataille eut également un grand retentissement à l’intérieur du pays, où les opposants à la collaboration et à l’occupation attendaient avec impatience des nouvelles de la guerre qui leur donneraient l’espoir d’une défaite imminente de l’Allemagne. Bir-Hakeim fut une telle nouvelle, qui renforça la confiance des résistants en de Gaulle et son mouvement. L’impact de cette bataille est, par exemple, attesté par la publication d’un journal clandestin de la Résistance sous le titre « Bir-Hakeim », à partir de janvier 1943. De même, un maquis implanté en Charente choisit le nom de ce fort nord-africain. « Bir-Hakeim » devient ainsi un symbole incarnant la volonté indéfectible de résistance de la France et reliant la résistance extérieure à la résistance intérieure.

 

Matthias Waechter

Sources / pour en savoir plus
  • Matthias Waechter, Ein „neues Verdun“. Die Schlacht von Bir Hakeim (Juni 1942) und der Mythos des Gaullismus, in: Susanne Brandt/Gerd Krumeich (ed.), Schlachtenmythen. Ereignis, Erzählung, Erinnerung, Köln 2003, pp. 165-181.

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