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Ambivalences/Controverses Mémoire Organisation de la résistance

Vichysto-résistant

A la fin des années 2000, le néologisme “vichysto-résistant” apparaît dans l’historiographie française, par exemple dans un ouvrage de Bénédicte Vergez-Chaignon en 2008 ou bien la thèse de doctorat de Johanna Barasz en 2010. Ce terme témoignant de l’ambiguïté des comportements dans la France “des années noires” était inimaginable avant l’an 2000. La vision de la France pendant la Seconde Guerre mondiale était cette d’une société divisée en deux camps irréconciliables : “collabos” ou “résistants”. Or, un certain nombre de recherches, de révélations ou de témoignages, sont venus apporter de la nuance à cette vision binaire de la France occupée par l’Allemagne nazie. Par définition, les vichysto-résistants se situent à la charnière du gouvernement de Vichy qu’ils ont soutenu, et de la Résistance dans laquelle ils s’engagent.
Ces vichysto-résistants, acteurs ambivalents, souvent des anti-Allemands ayant rallié Vichy par admiration pour le maréchal Pétain ou pour préparer le relèvement du pays, s’aperçoivent plus ou moins tardivement de la nocivité et de l’échec du régime. Ainsi dans les rangs de Vichy se développent des repaires de résistants. Pendant longtemps, cette idée a semblé incongrue et même scandaleuse. Il a fallu attendre la parution de l’ouvrage du journaliste Pierre Péan sur le passé vichyste de François Mitterrand en 1994 (Une jeunesse française). Ce dernier était alors Président de la République et jusque-là il était uniquement connu comme résistant. Blessé au front en 1940, puis fait prisonnier par les Allemands, le jeune Mitterrand s’évade en 1942 pour se rendre à Vichy. Employé au commissariat général au reclassement des prisonniers de guerre, il organise une filière clandestine d’évasion et de fabrication de faux papiers pour récupérer des Français détenus en Allemagne. Puis il quitte l’administration de Vichy en janvier 1943 et intègre (sous le pseudonyme de François Morland) le réseau de résistants Rassemblement national des prisonniers de guerre (RNPG), qui regroupe principalement des pétainistes. Loin de renier ses liens avec Vichy, Mitterrand les met au contraire en avant pour montrer l’efficacité de ses actions clandestines.
Si le terme de “vichysto-résistant” est spécifiquement français, le phénomène qu’il décrit se retrouve également en Yougoslavie occupée et dans d’autres pays européens pendant la Seconde Guerre mondiale : des personnes qui font partie du régime de collaboration mais qui en même temps soutiennent la résistance, avec des motivations diverses, ce qui illustre que les frontières entre la collaboration et la résistance étaient souvent fluides.

 

Yvan Gastaut

Sources / Pour en savoir plus
  • Bénédicte Vergez-Chaignon, Les vichysto-résistants de 1940 à nos jours, Paris, Perrin, 2008.
  • Johanna Barasz, “De Vichy à la Résistance : les vichysto-résistants 1940-1944”, in Guerres mondiales et conflits contemporains, 2011/2 (n° 242), 27-50, online: https://www.cairn.info/revue-guerres-mondiales-et-conflits-contemporains-2011-2-page-27.htm

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